Mort de Biyouna : le cinéma algérien en deuil
De son vrai nom Baya Bouzar, Biyouna est décédée à l’âge de 73 ans ce mardi 25 novembre 2025. Artiste accomplie, elle avait plus d’une corde à son arc : danseuse, chanteuse, actrice de télévision, elle avait aussi tourné dans plusieurs films en Algérie et en France.
Biyouna au festival de Cannes, en 2011
Une des plus grandes figures du cinéma algérien vient de s’éteindre. Connue sous le nom de scène de Biyouna, Baya Bouzar de son vrai nom, a été emportée par la maladie à l'âge de 73 ans ce mardi 25 novembre 2025.
Très appréciée en Algérie, Biyouna était très populaire dans le pays. Le président algérien Abdelmadjid Tebboune a exprimé “sa tristesse après la perte d'une des célébrités de la scène culturelle”, saluant la contribution de Biyouna au cinéma algérien. “Nous faisons nos adieux à l’une des figures les plus célèbres de la scène artistique, qui a contribué par son talent et sa créativité à de nombreuses œuvres télévisuelles et cinématographiques durant de longues années, la défunte laisse, par sa sincérité et sa spontanéité, une large reconnaissance dans le domaine du jeu d’acteur et du cinéma”.
Artiste accomplie, Biyouna avait plus d’une corde à son arc : actrice de cinéma et de télévision, comédienne, mais aussi danseuse et chanteuse.
Une artiste complète
Née le 13 septembre 1952 dans le quartier populaire de Belouizdad (ex-Belcourt) à Alger, Baya Bouzar “puise dans les détails de son quotidien dans les ruelles animées de ce quartier les ingrédients qui alimenteront plus tard sa personnalité artistique”, écrit aujourd’hui l'agence de presse publique algérienne. D’abord attirée par la chanson, la jeune femme se fait peu à peu connaître dans les fêtes de mariages. À 17 ans, elle chante dans les cabarets d’Alger et à 19 ans, elle devient danseuse au Copacabana, une boîte de nuit algéroise emblématique des années 1970 et 1980.
Ce n’est que bien plus tard, dès 2001, qu’elle réalise son rêve en sortant son premier album Raid Zone, avant un second : Une Blonde dans la casbah. En 2011, elle assure les chœurs de la chanson Bergman dans l’album Bichon de Julien Doré.
En plus de la musique, elle se produit dans des one-woman-show dans les années 2000. Sur les planches parisiennes, on la voit notamment aux côtés de Jane Birkin, en 2006 dans la pièce de théâtre Électre de Sophocle. Ou encore dans La Célestine, début 2009 au Vingtième Théâtre. 3 ans plus tard, elle signe son premier one woman show en solo intitulé Biyouna ! et mis en scène par Ramzy Bedia. L’humoriste franco-algérien a tenu à lui rendre hommage dans une publication postée sur son compte Instagram aujourd’hui :
En plus de s'être accomplie sur scène, Biyouna a joué dans une quarantaine de productions cinématographiques et de feuilletons à la télévision.
Plus de 50 ans de carrière
C’est le réalisateur algérien Mustapha Badie qui la repère en 1973. Il lui propose son premier rôle dans le feuilleton télévisé culte Al Hariq (L'incendie), adapté de la trilogie de Mohammed Dib. Alors âgée de 19 ans, ce rôle va la rendre célèbre en Algérie. 5 ans plus tard, elle tourne un premier film pour le cinéma algérien : Leila et les autres de Sid Ali Mazif. Lors de la décennie noire, dans les années 1990, elle refuse de quitter son pays.
En 1999, à la fin des violences, sa carrière s’ouvre à l’international quand Nadir Moknèche lui offre le rôle de Meriem dans Le Harem de Madame Osmane qu'elle tourne en France. Elle revient ensuite en Algérie pour jouer dans La Voisine de Ghaouti Bendedouche en 2000.
Entre 2002 et 2005, Biyouna connaît un grand succès avec Nass Mlah City, diffusé durant les mois de ramadan sur la télévision algérienne. En 2003, elle joue une ancienne danseuse de cabaret dans Viva Laldjérie, un autre film de Nadir Moknèche. Puis une arnaqueuse, dans Délice Paloma, du même réalisateur, où elle tient le rôle principal de madame Aldjeria.
Durant le ramadan de 2010, Biyouna est une des vedettes de la sitcom tunisienne Nsibti Laaziza, où elle tient le rôle de Barisa et co-interprète également le générique de la série.
On la voit aussi jouer dans de nombreux autres films français, tels que Neuilly sa mère (2009), Aïcha (2011), Les Trois Frères : Le Retour (2014), ou encore Le Flic de Belleville (2018), son dernier rôle au cinéma qu’elle joue aux côtés d’Omar Sy. Ce dernier lui a également rendu hommage aujourd’hui à travers deux photographies publiées en story sur Instagram.
Biyouna et Omar Sy, photographie postée par l’acteur en hommage à l’actrice décédée le mardi 25 novembre 2025
Photographie postée par l’acteur Omar Sy dans sa story Instagram, en hommage à Biyouna décédée le mardi 25 novembre 2025
La maladie
Plus récemment, l’actrice est apparue en 2023 dans Dar Lefchouch, une comédie dramatique algérienne où elle interprète une psychologue. Par la suite, Biyouna se fera discrète. Sa dernière apparition publique remonte à une vidéo Tiktok publiée le 21 février 2025, dans laquelle elle partageait ses vœux pour le ramadan. Affaiblie par le cancer du poumon contre lequel elle luttait depuis 2016, elle avait alors ému ses fans.
Hospitalisée depuis le 4 novembre 2025 à l’hôpital de Baïnem d’Alger, son état de santé s’était rapidement dégradé ces derniers jours, l’amenant à être transférée vers le service de pneumologie de l’hôpital Beni Messous, où elle est décédée ce mardi matin.
“Selon les médecins, le manque d’oxygène au cerveau a récemment provoqué une dégradation critique de son état", précise Rabah Allaoua, un journaliste algérien, dans une publication Facebook.
Un dernier hommage lui sera rendu demain au Théâtre National d’Alger, avant ses funérailles, indique le quotidien algérien Ennahar.