La Mansourah, les vestiges mythiques de Tlemcen

Cité prospère, au carrefour de routes commerciales et culturelles, Tlemcen est une terre florissante au Moyen-Âge. La capitale du Maghreb central, alors gouvernée par les Zianides, est convoitée par la dynastie berbère voisine des Mérinides. Aujourd’hui, les vestiges mythiques de la Mansourah illustrent la mémoire d’un affrontement fratricide entre les deux dynasties berbères.

Ruines de la mosquée de la Mansourah à Tlemcen (Crédit photo : Direction l'Algérie, la série documentaire / Ayadi Productions)

Arrosée par des oueds, entourée de montagnes et protégée par des reliefs qui en fait une forteresse naturelle, Tlemcen est une terre fertile. Au 13e siècle, elle devient la capitale du Maghreb central. La dynastie berbère des Zianides qui la gouverne en fait une cité florissante, contrôlant routes commerciales et échanges culturels. Sa position stratégique en fait une cité prospère mais convoitée. Enviée notamment par une autre dynastie berbère voisine : les Mérinides.

À la suite de la mort du roi Zianide Yaghmoracen Ibn Ziane et après plusieurs attaques infructueuses pour s'emparer de la ville, les Mérinides décident d'assiéger Tlemcen.

8 ans de blocus

Pour mener à bien son siège, le sultan Mérinide Abu Yaqub Yusuf an-Nasr décide d'installer, à partir de 1299, un camp militaire autour de la cité. Mais le blocus semble s'éterniser et ce qui n'était alors qu'un camp militaire se transforme en une grande ville baptisée la Mansourah : "la victorieuse" en arabe.

Les Mérinides construisent des maisons pour leurs soldats, des remparts pour sécuriser le camp, une mosquée monumentale pour affirmer leur pouvoir : la mosquée de Mansourah, dont les vestiges sont aujourd'hui devenus le cachet de la ville de Tlemcen.

8 années durant, Tlemcen survit encerclée, mais affamée. "Le siège a duré 8 ans. La population était réduite à la famine", raconte l'archéologue Brahim Chenoufi dans l'épisode 5 de Direction l'Algérie.

En 1307, le sultan mérinide est assassiné par un eunuque. Sa mort marque la fin du siège de Tlemcen. La Mansourah est détruite par les Zianides. Pour certains, les ruines du minaret de la mosquée, parmi les seuls vestiges restants de l'ex-ville de la Mansourah, sont les témoins des affrontements fratricides entre Zianides et Mérinides. Pour d'autres, l'édifice n'aurait en fait jamais été achevé.

"Les Mérinides vont revenir à partir de 1335, refaire le siège. Il va leur falloir 2 ans pour pouvoir soumettre Tlemcen", précise Brahim Chenoufi. La ville est effectivement conquise par les Mérinides à partir de 1337 jusqu'en 1348. Et une seconde fois, de 1352 à 1359.

Témoins d’une guerre fratricide

Du haut de ses 38 mètres, le minaret de la mosquée reste la pièce la plus impressionnante des vestiges de l’ancien camp militaire. L’édifice illustrait l’ambition des Mérinides : implanter une ville rivale face à Tlemcen. Le choix de bâtir un site religieux, et non de simples baraquements, signale en effet la volonté de transformer le siège en colonie durable. Mais cette victoire espérée se renverse : “la victorieuse” devient l’éphémère.

Témoins spectaculaires d’un affrontement fratricide entre les deux dynasties berbères, les ruines de l’ancienne ville-siège de la Mansourah illustrent à la fois l’ambition mérinide et la résilience zianide. Mémoire du siège qui a failli faire tomber Tlemcen et symbole de résistance d’une cité assiégée qui a résisté 8 ans, ce minaret, dressé dans le paysage, domine toujours la plaine.

Le minaret de la Mansourah figure désormais dans l’identité culturelle de Tlemcen, intégré aux récits scolaires, aux visites guidées, aux représentations locales, à tel point qu’il est devenu la carte poste de la ville.

Houari Ayadi

Producteur-réalisateur de la série documentaire Direction l’Algérie (AYADI Productions - A. Prods)

https://www.directionlalgerie.com/
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