Les Fkirettes, une tradition musicale féminine en Algérie

Dans l’Est algérien, Annaba cultive une mémoire sonore : celle des fkirettes, du nom de ces orchestres exclusivement féminins et originaires de cette région d’Algérie. Héritières d’un art ancestral, elles jouent tambours et bendirs aux mains, pour animer mariages et autres célébrations familiales ou religieuses.

Nadia bent Rouabhia et cheikha Menouba, fkirettes à Annaba  (Crédit photo : Direction l'Algérie, la série documentaire / Ayadi Productions)

À Annaba, une cafétéria pas comme les autres a ouvert ses portes en 2021 : un salon de thé 100 % femmes, une première en Algérie. “L'idée m'est venu en 2020, j'avais envie d'un projet un peu spécial, uniquement pour femmes. Un endroit respectueux, pour être au calme”, explique Nawal Bacha, la gérante des lieux, dans l'épisode 6 de Direction l'Algérie. “J'ai beaucoup de clientes, de toutes les régions du pays”, souligne-t-elle.

Depuis 3 ans, d’Annaba et d'ailleurs, elles se pressent dans la cafét' qu'elle a appelée "Lamet lahbab", “le rendez-vous des amies”, là où les pâtisseries traditionnelles côtoient les salons en tissus d'or. Un lieu convivial et chaleureux qui fait la part belle aux traditions algériennes auxquelles la patronne est très attachée.

C'est dans cette cafét' 100 % femmes que nous avons pu assister à une représentation de Fkirettes, du nom de ces ensembles féminins traditionnels de l'Est algérien qui animent les fêtes familiales.

De mères en filles

Plusieurs régions du pays ont leurs propres groupes musicaux composés exclusivement de femmes. Dans l'Oranie, ce sont les Medahettes. Dans l'Algérois, les Mesemaat. À Annaba et dans l'Est du pays, ce sont les Fkirettes.

Nadia bent Rouabhia est une des fkirettes phares du moment. Une passion qu'elle a héritée de sa famille : “C'est une longue tradition qui ne remonte pas simplement à nos parents, mais à bien plus loin. Il y a des fkirettes depuis très longtemps”, raconte l'artiste dans l'épisode 6 de Direction l'Algérie. C'est elle qui mène la troupe de musiciennes qui l'accompagnent à l'aide de percussions.

À ses côtés, cheikha Menouba, la maîtresse du bendir : “On chantait sans micro dans le temps. Il n'y avait pas de sono comme aujourd'hui. Et nous n'étions que des anciennes. Il n'y avait pas de jeunes”, précise-t-elle. Car contrairement aux orchestres modernes, les fkirettes d’autrefois animaient les célébrations sans sonorisation, seulement avec leurs voix puissantes et simplement soutenus par leurs instruments à percussion.

Et ce n'est pas Fella bent Chaker, la troisième fkirette ce jour-là qui dira le contraire. Depuis toutes ces années passées dans cet art musical ancestral, elle est devenue experte dans la maîtrise du daf, tambour très utilisé au Maghreb : “Elle a vécu l'époque des anciennes fkirettes comme on dit, elle les accompagnait. Du temps de Yamina bent Bourafa et Bentkia”, souligne Nadia bent Rouabhia.

Très demandées, les 3 ont souvent un agenda chargé. En plus des soirées, elles se représentent dans de nombreux mariages et baptêmes.

La transmission de l’art

Gardiennes d’un art oral, la voix des cheikhattes portent la mémoire des anciennes. Traditionnellement féminins, certains orchestres fkirettes sont parfois mixtes de nos jours.

Femmes ou hommes modernes, les jeunes musiciens qui rejoignent les troupes de fkirettes aujourd’hui assurent la continuité d’un répertoire qui ne se fixe pas par l’écrit, mais par la pratique. La musique des fkirettes est le cœur battant d’une identité féminine collective.

Houari Ayadi

Producteur-réalisateur de la série documentaire Direction l’Algérie (AYADI Productions - A. Prods)

https://www.directionlalgerie.com/
Previous
Previous

La championne du monde Kaylia Nemour écrit l’histoire

Next
Next

La mosquée Sidi Bou Merouane, un édifice témoin de l'histoire de la ville d’Annaba