Béjaïa, la ville algérienne qui a donné son nom aux bougies

Pendant la période médiévale, âge d'or de la ville, Béjaïa fournissait une grande quantité de cire fine à l’Europe et la majeure partie de cette matière à l'ensemble de l’Occident au 19ème siècle. La commune va peu à peu laisser son nom à la cire d’abeille servant à la conception des chandelles : les bougies.

Bougies fabriquées par une habitante de Béjaïa (Crédit photo : Direction l'Algérie, la série documentaire / Ayadi Productions)

Au Moyen Âge, Béjaïa s’impose comme un port d’échanges où transitent savoirs et marchandises : huiles, cire, étoffes, sel, bois… Et cire d’abeille. Réputée plus régulière, moins odorante et plus lumineuse que les chandelles de suif généralement utilisées en Europe à cette époque, la cire fine de Béjaïa est recherchée par les églises et les palais. Circulant vers les marchés de la chrétienté, cette substance devient un produit haut de gamme pour les cours et autres maisons aisées d’Occident.

La ville qui a donné son nom

Au fil des siècles, la cité littorale nourrit l’autre côté de la Méditerranée de sa matière phare, raffinée dans les ateliers proches de son port maritime, chargée dans des ballots et barils, pour être embarquée vers des marchés européens friands d’un éclairage plus stable et plus propre que les graisses animales qui y étaient habituellement utilisées.

À force de circuler depuis Béjaïa vers l’Europe, la marchandise imprime son origine à la langue. En ce temps-là, on commence à demander des “bougies” comme on demanderait un tissu de Damas ou une soierie de Lyon. Cette toponymie devient gage de qualité. Et même quand l’industrie chimique multipliera plus tard les paraffines, le mot “bougie” survivra. Béjaïa, est ainsi devenu le nom commun de cet objet du quotidien.

Un héritage discret

Pourtant, difficile de nos jours de trouver dans la région de grands industriels de la bougie. L'artisanat d'antan semblant avoir complètement disparu. La demande d’objets bien faits, parfumés avec mesure, revient cependant par vagues : cadeaux, rituels domestiques, éclairages d’ambiance, décorations discrètes. C’est dans ce contexte qu’émergent de plus en plus des initiatives personnelles.

Pendant le tournage de l'épisode 3 de Direction l'Algérie, nous avons eu la chance de rencontrer, Tina, une habitante de la ville qui s'est lancée dans la production de petites bougies. Une envie personnelle qui n'est pas liée à l'histoire de sa ville, même si "ça a quand même confirmé [son] choix", nous explique la jeune Bougiote qui n'a pas hésité à nous accueillir dans sa cuisine, là où elle confectionne ses propres bougies à base de cire de palme, de soja, et même de cire d’abeille, comme jadis. “On a juste besoin d’un four, de marmites (…) de parfums, de colorants et de mèches”, explique Tina qui propose ses bougies à la vente sur internet.

Première étape : elle préchauffe les moules dans une marmite remplie d’eau, et fait fondre dans le même temps la cire dans un autre faitout. Quand les moules sont suffisamment chauds, elle les sort de l’eau bouillante pour y placer au milieu une mèche en coton à l'aide d’une aiguille. Puis, vient l’étape de leur remplissage avec la substance devenue matière liquide. Après plusieurs minutes d’attente, elle démoule les contenants qui en se solidifiant ont pris la forme des moules. Il ne lui reste plus qu’à décorer les bougies.

Béjaïa étant située dans la région historique de Kabylie, c’est avec des motifs traditionnels berbères, de la culture amazigh que Tina orne ses produits. À sa manière, la jeune femme continue indirectement de faire perdurer la flamme bougiote.

Houari Ayadi

Producteur-réalisateur de la série documentaire Direction l’Algérie (AYADI Productions - A. Prods)

https://www.directionlalgerie.com/
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