Ketchaoua, la mosquée historique d’Alger

Au pied de la Casbah, la mosquée Ketchaoua se dresse comme une page de pierre écrite à plusieurs mains. Elle n’est pas seulement un monument : c’est une histoire condensée d’Alger. Berbère puis ottomane, cathédrale sous la colonisation avant d’être restituée au culte musulman, cet édifice historique est un emblème de la ville.

Vue aérienne de la mosquée Ketchaoua à Alger (Crédit photo : Direction l'Algérie, la série documentaire / Ayadi Productions)

L’implantation de la mosquée Ketchaoua sur l’actuelle place Ibn Badis est décisive. En contrebas, la ville basse s’ouvre vers le port ; en amont, les faubourgs grimpent vers la citadelle de la Casbah. La mosquée est à la fois ancrée dans la vieille ville, tournée vers ses habitants et visible depuis la place qui l’expose au regard du passant.

Depuis sa construction pendant la période médiévale jusqu'à sa profonde transformation sous l'occupation française, en passant par son agrandissement durant la tutelle ottomane, la mosquée Ketchaoua est un édifice emblématique de la Casbah d'Alger. Dans le 2e épisode de Direction l'Algérie, l’historien Omar Hachi répond à nos questions sur ce monument témoin de plusieurs siècles d'histoire de la ville blanche.

Berbère puis ottomane

Construite à l'époque de la dynastie berbère des Zianides, la mosquée Ketchaoua était “une très petite mosquée qui date de 1365”, explique l’ancien directeur des archives de la wilaya d’Alger.

Au 16e siècle, la ville est sous régence ottomane quand elle devient une place maritime majeure du Maghreb. Alger se structure autour de la Casbah, une citadelle et un tissu dense de ruelles en pente, de maisons blanches et de lieux de culte. Ketchaoua s’y inscrit d’emblée comme un repère spirituel et urbain. “La mosquée aurait été agrandie, en 1612. Ce n’est qu’à partir de 1794 que Hassan Pacha, qui avait la maison juste à côté, a élevée la mosquée”.

À la question “d’où vient le nom de Ketchaoua”, M. Hachi nous répond : “L’histoire a retenu qu’il y avait un plateau et qu’il y avait des chèvres, d’où le nom” Le mot Ketchaoua ferait donc référence à un ancien “plateau de chèvres” sur lequel l’édifice aurait été construit.

Transformée en cathédrale

L’entrée des troupes françaises à Alger en 1830 inaugure une séquence de transformations radicales. Très vite, Ketchaoua est convertie. “Avant d'être remodelée, elle a servi d’église, de 1831 à 1844. Et c’est à ce moment-là que l’autorité coloniale a décidé d’agrandir, transformée la mosquée“, nous raconte l’historien de la ville.

Minaret abattu, volumes remaniés selon un vocabulaire romano-byzantin, Ketchaoua devient la cathédrale Saint-Philippe. À l’intérieur, subsiste encore aujourd’hui, “une nef centrale, un transept. Elle est en forme de croix alors qu’à l’origine, Ketchaoua était plutôt carrée”, nous apprend Omar Hachi.

Cette conversion brutale est parfois citée comme l’un des gestes fondateurs de l’urbanisme colonial à Alger. En 1962, avec l’indépendance de l’Algérie, la cathédrale est restituée au culte musulman. Elle est inscrite à l’Unesco au titre de la Casbah d’Alger depuis 1992.

Houari Ayadi

Producteur-réalisateur de la série documentaire Direction l’Algérie (AYADI Productions - A. Prods)

https://www.directionlalgerie.com/
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