La calentica, l’âme chaude d’Oran
Avez-vous déjà goûté la calentica ? Ce sandwich chaud typique de la ville d’Oran est à la fois une collation d’écolier, un casse-croûte d’ouvrier, ou encore un plaisir de fin de soirée pour les noctambules de la capitale du raï. Véritable plat traditionnel qui tient au ventre, il est devenu un marqueur identitaire de l’Ouest algérien.
À Oran, certaines odeurs racontent la ville mieux qu’un discours. Celle de la calentica en est une. Selon la légende, elle aurait été inventée au début du 18e siècle pendant le siège de la cité. Alors que les soldats espagnols manquaient de nourriture dans le fort militaire de Santa Cruz où ils logeaient, ils auraient décidé de broyer le reste de leur réserve de pois chiches pour en faire un gratin comestible.
Un sandwich “caliente”
Des soldats espagnols retranchés, des réserves qui s’amenuisent, un fond de pois chiches réduit en farine, de l’eau, de la chaleur et l’invention d’un gratin pour tenir. Qu’elle soit précisément née ainsi ou non importe moins que le marqueur social qu’est devenue la calentica.
“Avant à Oran, on l’appelait ‘hami’, le chaud, et non pas calentica”, nous explique un habitant de la ville que nous avons rencontré lors du tournage de l'épisode 1 de Direction l’Algérie. “Depuis longtemps, nos parents l’appellent ‘hami’, le chaud. Avec le temps, notre dialecte a changé ce mot”. Ainsi, le nom oranais actuel de calentica est un dérivé de l’espagnol "caliente", qui signifie également "chaud”, comme nous l'évoque notre intervenant. Au mot espagnol caliente, le dialecte oranais a ajouté le diminutif “ica”.
“Met un peu de harissa et de cumin pour la déguster complètement“, conseille-t-il. Car dès qu’on parle de calentica aujourd’hui, chacun à en mémoire le geste méthodique du vendeur qui en coupe une part fumante, la texture fondante attendue, mais aussi le sel, le poivre, et parfois le cumin et les sauces qui relèvent le goût du sandwich.
En-cas de rue servi tel quel ou glissé dans un pain, la calentica qui a aussi l’aspect d’un flan se mange debout, en marchant, sur un banc, à la sortie de l’école, au milieu d’une journée de travail, avant un match... Elle s’achète vite, se mange vite, mais laisse un souvenir long. Son prix bas en fait “le plat du jour de tout le monde”.
La sociologie d’un goût
“C’est un plat très connu. Notre calentica vient d’Oran et est devenue un plat national en Algérie”, commente l’Oranais, lui-même amateur du fameux sandwich.
Il existe deux versions de la karantika, comme elle est aussi orthographiée. D’une sobriété exemplaire, la version simple contient uniquement la base végétale (pois chiches), de l’eau, et les condiments. La version plus élaborée, que l’on trouve notamment à Alger où est elle prononcée garantita, est quant à elle composée d’huile et d’œufs en suppléments. À Mostaganem, elle est souvent dégustée pendant le Ramadan avec la chorba ou la harira.
Si des variantes et plusieurs modes de consommations existent, l’esprit reste le même : une pâte coulée et une cuisson mesurée pour conserver le cœur moelleux du célèbre sandwich qui a fait parler de lui au-delà des frontières algériennes.
Meilleure street food de la planète
Classée par TasteAtlas dans le top 20 des street food en 2024, le guide mondial des plats traditionnels la nomme meilleure street food de la planète l’année qui suit.
“On la vend aussi en France, à Marseille”, lance notre expert. Et même si dans la grande famille des farines de pois chiches au four, on croise d’autres cousins méditerranéens, la calentica d’Oran garde sa personnalité. Plus custard que galette, plus crémeuse que croustillante, plus tournée vers le sandwich que vers la dégustation à plat, son alliance du moelleux et du poivre signe la spécificité d’une ville qui aime les textures franches et les goûts assumés.