Le fort et la chapelle de Santa Cruz, belvédères d’Oran

Dressés au sommet de la montagne de Murdjadjo, le fort et la chapelle de Santa Cruz commandent la baie d’Oran. L’un édifié par la monarchie espagnole, l’autre par les Français, ces deux sites emblématiques de la deuxième ville d’Algérie font depuis partie intégrante de la carte postale de la ville.

La chapelle et le fort de Santa Cruz à Oran (Crédit photo : Direction l'Algérie, la série documentaire / Ayadi Productions)

En 1509, les Espagnols s’emparent de la ville d’Oran et la tiennent, avec des intermittences, près de 3 siècles. Ports, bastions… leur présence marque l’urbanisme de la cité portuaire par une volonté d’assise. Il y construisent surtout une forteresse dominante : le fort de Santa Cruz.

Construit entre 1577 et 1604, à près de 400 mètres d’altitude au sommet du Murdjadjo ou Aîdour (la montagne oranaise dont la vue domine la ville), le fort de Santa Cruz est un fleuron de l'architecture militaire hispanique. Le gouverneur espagnol de l’époque y établit sa résidence, dans un château au centre de l’édifice.

“Une histoire tumultueuse”

À l’époque, il y avait 22 forts et fortins à Oran. Le fort de Santa Cruz a été construit sur un nid d’aigle, c’est le plus visible de tous les côtés”, précise Kouider Metaïr dans le premier épisode de la série documentaire Direction l’Algérie.

Oran étant à cette période très convoitée, ce poste de défense sert à loger les soldats espagnols et à observer, depuis son point stratégique, les éventuelles percées de leurs ennemis. Sa construction massive et dissuasive permet donc à la fois de se protéger d’autrui en s’y retranchant et en s’y ravitaillant, que de surveiller en observant et en repérant les éventuels adversaires.

C’est une histoire tumultueuse, parce que c’est une symbolique belliqueuse. C’est pour non seulement se défendre et en même temps pour assurer la sécurité de la baie de Mers-el-Kébir et de la ville d’Oran. De là, on peut apercevoir la Méditerranée, la ville, Mers-el-Kébir, l’arrière-pays. Et dîtes-vous bien, selon la documentation ancienne, on pouvait même apercevoir les côtes espagnoles”, nous apprend le président de Bel horizon, une association qui se bat pour la sauvegarde du patrimoine d’Oran.

En 1708, le fort est pris d'assaut par les Ottomans qui en font sauter une partie. En 1735, il est presque complètement rasé, puis reconstruit et érigé en forteresse 3 ans plus tard. À la suite d’attaques répétées des Turcs, les Espagnols l'abandonne en 1770. 20 ans plus tard, Oran est reprise par le bey Mohamed el-Kebir. Le fort est partiellement détruit. Il est restauré par le génie militaire français de 1856 à 1860.

Le “miracle de la pluie”

Pendant la colonisation française, à la suite d’une épidémie de choléra qui touche l’ensemble de la ville et qui fait près de 1 180 victimes, une chapelle est construite en contrebas du fort espagnol.

À un certain moment, le gouverneur militaire de l’époque a été débordé par le nombre de morts. Il s’est adressé aux gens de l’église, il a dit à l’évêque : ‘on a fait tout notre possible, on n’y arrive pas. Faite une procession et foutez-moi là-haut une vierge pour jeter le choléra à la mer’“.

La procession a lieu le 4 novembre 1849. Des milliers de fidèles supplient la Vierge de les sauver du fléau qui s'est abattu sur Oran. Selon la croyance, la pluie se met à tomber en abondance faisant cesser petit à petit l’épidémie. Afin de commémorer cet événement appelé le “miracle de la pluie” par les croyants chrétiens, une petite chapelle exposant une statue de la Vierge Marie est construite quelques mois plus tard. Tour, clocher, cloître, dôme… Avec les années, ce qui n’était alors au départ qu’une petite église va se transformer en une basilique plus imposante inaugurée fin 1959. “C’est le site le plus visité d’Oran”, souligne M. Metaïr.

Car depuis son inauguration, il y a plus d’un siècle et demi, la basilique Notre-Dame du Salut, également appelée “la vierge de l’Oranie“, attire de nombreux fidèles et visiteurs. Menacée dans sa structure, elle est restaurée en décembre 2014. Effectué par le diocèse d’Oran, avec le soutien des autorités algériennes et de mécènes, ce projet de restauration est évalué à 600 millions de dinars, soit environ 6 millions d’euros. Après quatre ans de travaux, la chapelle de Santa Cruz rouvre en 2018 et ne cesse depuis d’attirer les curieux qui viennent profiter de sa magnifique vue sur la côte oranaise. Avec sa vierge Marie aux faux airs de Corcovado, elle est ainsi devenue la carte postale d’Oran.

Houari Ayadi

Producteur-réalisateur de la série documentaire Direction l’Algérie (AYADI Productions - A. Prods)

https://www.directionlalgerie.com/
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