Le palais Ahmed Bey, l'un des mieux conservés de l'histoire ottomane algérienne

Parmi les monuments qui façonnent Constantine, le palais Ahmed Bey occupe une place à part. C’est le dernier grand édifice ottoman construit dans la ville avant son annexion par les Français. Avec ses colonnes, ses galeries, ses fresques polychromes et ses jardins d’orangers, il est l'un des ouvrages les mieux conservés de l'histoire ottomane algérienne.

Le jardin des orangers au Palais Ahmed Bey de Constantine (Crédit photo : Direction l'Algérie, la série documentaire / Ayadi Productions)

Après les périodes numides et romaines, Constantine est au Moyen-Âge conquise par les Arabes. Successivement rattachée à plusieurs dynasties berbères, elle devient au 16e siècle la capitale d'une des 3 provinces de la régence d'Alger intégrée à l'Empire ottoman.

Au début du 19e siècle, Ahmed Bey, gouverneur turc de la ville à cette époque, veut affirmer sa puissance à travers la construction d’une nouvelle demeure.

5.600 mètres carrés

À la croisée des influences ottomanes, maghrébines et méditerranéennes, Hadj Ahmed Bey fait bâtir un palais monumental au cœur de la Constantine. Des fontaines, des galeries, plus de 200 colonnes, des arcades élégantes, "plus de 47 pièces de céramiques authentiques, le marbre, les collections de bois, sans oublier les 2 jardins historiques, le jardin des palmiers et le jardin des orangers"... 10 ans ont été nécessaires à la construction, sur plus de 5.600 mètres carrés, du palais du dernier dignitaire ottoman de la ville.

Après avoir mobilisé des artisans de divers horizons, l’édifice est achevé en 1835. Mais Ahmed Bey n'occupe son palais que temporairement. Car deux ans plus tard, à la chute de Constantine face aux troupes françaises, il est contraint à l’exil et se réfugie dans les montagnes des Aurès depuis lesquelles il continue sa résistance. Héros anti-colonial, il meurt à 65 ans, en 1851, et est inhumé au cimetière de Sidi Abderrahman et-Thaâlibi à Alger.

En admiration

À leur arrivée, les Français sont impressionnés par la beauté de l’édifice qu’ils réquisitionnent et transforment en quartier général militaire. Dans son récit de voyage Constantine, l’écrivain Guy de Maupassant évoque l’édifice : "un des plus complets échantillons de l’architecture arabe, dit-on. Tous les voyageurs l’ont célébré, l’ont comparé aux habitations des Mille et Une Nuits.

À la suite de sa visite dans la ville, Horace Vernet, admiratif, fait lu aussi la comparaison avec le célèbre recueil de contes arabes : "Figurez-vous une délicieuse décoration d’opéra, tout de marbre blanc et de peintures de couleurs les plus vives, d’un goût charmant, des eaux coulant de fontaines ombragées d’orangers, de myrtes… Enfin un rêve des Mille et Une Nuits".

Le célèbre peintre a sans doute aussi été émerveillé par la polychromie du palais, une de ses pièces maîtresses peinte avec beaucoup de couleurs sur plus de 2000 mètres carrés. "Les historiens et les archéologues la considèrent comme un document historique unique", explique Meryem Guebailia, la directrice du monument que nous avons interrogée lors du tournage de l’épisode 4 de Direction l’Algérie.

La pièce maîtresse du palais

Parmi les différentes fresques qui sont représentées sur l’immense polychromie, on reconnaît des frégates et des mosquées. Autant de représentations colorés qui relatent batailles, paysages et scènes maritimes, mais également les voyages effectués par Ahmed Bey, "dans les lieux saints de l'islam" notamment.

En plus de son voyage politique à Istanbul, les destinations de "Tripoli, Alexandrie, Le Caire, et même la Grèce" y sont dessinées. Tout comme "la Mecque, Médine, la mer Rouge, La Goulette en Tunisie, Alger, Sidi Fredj et Constantine le point de départ", ajoute la directrice.

Une récente restauration

Après l'indépendance de l'Algérie en 1962, le palais est transformé en espace muséal. Il a bénéficié de travaux de conservation dès les années 80 et abrite aujourd’hui le musée public national des arts et des expressions culturelles traditionnelles de Constantine.

Malgré les bouleversements qu’il a connus au cours de son histoire, l’édifice conserve une partie exceptionnelle de son décor originel. Préservé dans ses détails, le dernier grand édifice turc de la ville de Constantine avant sa chute est aussi l’un des ensembles les mieux conservés de l’histoire ottomane algérienne. Chef-d’œuvre architectural, il raconte à la fois l’ambition d’un homme et le destin d’une ville au seuil d’un basculement.

Houari Ayadi

Producteur-réalisateur de la série documentaire Direction l’Algérie (AYADI Productions - A. Prods)

https://www.directionlalgerie.com/
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