Sidi Boumediène, le précurseur du soufisme au Maghreb

Figure spirituelle majeure du Maghreb, Sidi Boumediene incarne l’essor du soufisme en Afrique du Nord. Né en Andalousie, formé à Fès et au Moyen-Orient, il enseigne à Béjaïa avant de mourir près de Tlemcen. Son mausolée attire encore aujourd’hui pèlerins et visiteurs. Entre spiritualité, savoir et patrimoine, il est devenu l’un des hauts lieux de Tlemcen et un symbole important du soufisme maghrébin.

Intérieur du mausolée de Sidi Boumediene à Tlemcen (Crédit photo : Direction l'Algérie, la série documentaire / Ayadi Productions)

Né au 12e siècle dans l'Espagne musulmane, près de la ville de Séville, Sidi Boumedienne, s’inscrit dans le vaste mouvement des échanges intellectuels entre Al-Andalus (l’Andalousie) et le Maghreb.

De son vrai nom Choaïb Abou Madyane El Ansari El Andaloussi, il va "très vite avoir une vocation spirituelle, religieuse", raconte Sari Ali Hikmet, ancien professeur des universités et écrivain, dans l'épisode 5 de Direction l'Algérie. Il poursuit ses études à Fès, rencontre un maître du soufisme au Moyen-Orient et s'installe ensuite à Béjaïa (ville intellectuelle majeure à cette époque) "pour continuer à enseigner le soufisme". À un âge avancé, Abou Madyane s'arrête dans la région de Tlemcen où il décède "le 13 novembre 1197 de l'ère commune, dans un village non loin d'El Eubbad".

Un des mausolées les plus visités

Considéré comme le précurseur du soufisme au Maghreb, le mausolée de Sidi Boumediene est aujourd'hui l'un des lieux de pèlerinage les plus visités d'Algérie. Des cérémonies religieuses, des fêtes soufies, des lectures coraniques animent le lieu.

Ce sanctuaire servait aussi de refuge pour ceux qui transgressaient la loi. Une fois qu’ils arrivaient ici, on n’avait plus le droit de les poursuivre. Cela est toujours une tradition. Ils sont protégés dans ce sanctuaire. Ils sont intouchables”, souligne M. Hikmet.

Ce cénotaphe, construit par les Almohades et restauré par les Zianides, fait aujourd'hui partie d'une “zaouïa”, un complexe religieux, qui “s’articule sur plusieurs espaces”. À l’entrée de cette zaouïa, on trouve des vestiges du palais royal. “C’est là où les rois de Tlemcen avaient l’habitude de faire leurs retraites spirituelles. Au 14e siècle, c'’est Abou Hassan al-Marini qui a construit la zaouïa, mais le mausolée est préexistant puisqu’il a été construit à l’époque almohade", précise l'écrivain et chercheur en culture soufie.

En plus de l’ancien palais royal, le complexe religieux comprend le sanctuaire de Sidi Boumedienne, une mosquée et une “medersa”, une école religieuse. L’architecture du site associe donc élégance almohade et ornementation zianide. Le décor mesuré, privilégie calligraphie et géométrie, dans l’esprit d’un lieu de recueillement. Les matériaux de pierre, de bois sculpté ou encore de céramique vernissée, traduisent la continuité de l’art tlemcénien d’antan.

Le soufisme

Le soufisme est une doctrine de l'islam qui invite à "vivre l'expérience religieuse directement par le cœur", à travers notamment des pratiques ascétiques comme le renoncement aux biens matériels. Cette branche de la religion musulmanerepose sur la notion fondamentale de l’amour” et prône une expérience intérieure et directe de la foi, vécue par le cœur plutôt que par l’accumulation des savoirs.

C’est dans cet esprit de piété que l’enseignement de Sidi Boumedienne a influencé des générations de disciples. "Sidi Boumediène a eu une très grande postérité spirituelle parce qu'il est fondateur de grandes écoles du soufisme", ajoute l’ex-président du club de culture soufie à Tlemcen.

Figure spirituelle majeure du Maghreb, Sidi Boumediene n’est pas seulement un personnage historique. Sa présence habite encore Tlemcen, où il a été érigé en Saint protecteur de la ville.

La tradition des Saints algériens

Chaque ville dans le monde musulman a un Saint protecteur et l’Algérie, évidemment, n’échappe pas à cette règle”, nous apprend Sari-Ali Hikmet.

Selon les textes anciens de grands auteurs soufis, dont ceux d’Ibn Arabi, célèbre docteur en sciences de l’Islam, mais aussi poète et philosophe, la sainteté est le choix du peuple. “Le ‘wali’, le Saint, va être adoubé par la vox populi. Les gens vont remarquer que ce personnage est retiré du monde, consacré exclusivement à l’adoration de Dieu. Ils remarquent très vite que ses prières sont exaucées“, développe l’ancien professeur des universités.

Sidi El Houari à Oran, Sidi Rached à Constantine, Sidi Abderrahmane à Alger… Après la mort du wali, sera donc construit un mausolée en son hommage. Un lieu où les fidèles pensent que “la baraka, c’est-à-dire l’influence spirituelle, est toujours là. Les Orientalistes vont appeler cela le culte des Saints. Le culte n’étant pas l’adoration, mais la vénération”.

Houari Ayadi

Producteur-réalisateur de la série documentaire Direction l’Algérie (AYADI Productions - A. Prods)

https://www.directionlalgerie.com/
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